LA PRESSE – NOVEMBRE 1992

La méthode Pilates vise le bien-être global

C’est un tout petit endroit où règnent deux appareils fort étranges qu’on pourrait prendre, au premier coup d’œil, pour des instruments de torture.

L’un est une sorte de cadre métallique rectangulaire, pas plus haut qu’une boite de lit, l’autre ressemble à un lit à baldaquin sur lequel on ne risque pas de s’endormir. Les deux meubles sont dotés de ressorts, de courroies, de poulies, d’articulations.

Ann McMillan m’accueille au centre Pilates qu’elle vient d’ouvrir, chemin de la Reine- Marie. Sa démarche et son maintien sont ceux d’une danseuse. Elle est donc issue d’une profession où on a l’habitude de souffrir, mais elle est tout le contraire d’un bourreau; la méthode d’entraînement qu’elle propose vise le bien-être global.

Une clientèle typique

L’entraînement en Pilates se veut un appoint, un complément à une autre activité ou à un ensemble d’activités. Les danseurs sont une clientèle typique de cette méthode. En fait, elle convient aux artistes de la scène qui doivent être forts et souples sans avoir l’air d’Arnold Schwartznegger: comédiens, chanteurs, acrobates, etc.

C’est aussi un entraînement a visée thérapeutique. La physiothérapeute et ostéopathe montréalaise Françoise Desrosiers préconise la méthode Pilates pour la santé du dos. «Dans le stage avancé d’une rééducation posturale, dit-elle, cette méthode permet au patient de gérer son dos et de développer ce qu’on appelle la mémoire du mouvement.»

Plusieurs acteurs, danseurs, musiciens ont aussi recours au Pilates ou en ont fait de leur vivant: Katherine Hepburn, Candice Bergen, Yehudi Menuhin, Martha Graham, Georges Balanchine…

Des mouvements faciles.. mais complexes

Pour mieux comprendre co qu’est l’entraînement en Pila j’ai été pendant une semaine l’élève de Mme McMillan.
séances d’une heure qui, je dc dire, m’ont fait grand bien at et laissé plein d’énergie, très détendu, en forme pour
travailler.

À la base de chaque exercice, technique de respiration est étroitement reliée au travail clt muscles abdominaux qui doive rester enfoncés. Les abdominal tiennent alors la colonne vertébrale en position correcte faut se concentrer pour allongi le dos en même temps, tout en gardant les épaules basses.

Lorsque ces exigences sont satisfaites, l’exercice peut commencer. Ana surveille continuellement la posture et prodigue ses conseils au fur et mesure. Les répétitions ne soni pas nombreuses mais elles doivent être exécutées à la perfection. On n’effleure mem pas le stade de la douleur dans l’exécution de l’exercice.

Le génie de Joseph Pilates

Joseph Hubertus Pilates s’est servi de sa malchance pour faire sa chance. Garçon malingre né en 1880, frappé jeune de la tuberculose, il se lance à fond de train dans la musculation.

À 14 ans, Pilates est devenu tellement bien fait qu’il sert de modèle dans les facultés de médecine de Dàsseldorf, sa ville natale. Les leçons auxquelles il sert lui permettent d’acquérir une connaissance profonde de l’anatomie humaine. Il fait aussi de la gymnastique, du plongeon, du ski.

En 1912, il s’installe en Angleterre où il gagne sa vie comme boxeur, acrobate dans un cirque et instructeur d’auto¬défense à la police de Londres. La guerre éclate et Pilates, comme les autres Allemands expatriés, est fait prisonnier.

C’est en prison que le génie de Pilates se met au travail. Dans l’étroitesse du milieu carcéral, il élabore une méthode de gymnastique au sol au profit des détenus, une méthode qui se veut efficace et qui requiert peu de moyens.
À son retour en Allemagne, dans les années 20, il travaille en étroite collaboration avec les danseurs et les chorégraphes les plus connus. Il les influence et ils l’influencent…

Dans les années 40, on le retrouve à New York où il recontre Clara, une infirmière qui deviendra son associée dans le perfectionnement de la méthode Pilates. Les appareils, permettant de travailler contre une résistance, ont été conçus et fabriqués par la suite.

Ann McMillan, qui vient d’ouvrir le Centre Pilates de Montréal, est diplômée en danse de l’Université du Québec à Montréal. Elle détient un diplôme de formation avancée de la célèbre école de danse Martha Graham de New York, où elle a vécu quatre ans. Elle a aussi étudié la kinanthropologie (étude du mouvement) et entreprend, à 28 ans, une maîtrise en éducation physique, avec majeur en entraînement et réhabilitation.

C’est en 1987, dans le milieu de la danse du Big Apple, que la jeune danseuse montréalaise a été initiée au Pilates par Romana Kryzanowska, une complice de Joseph Pilates pendant 50 ans.