LE DEVOIR – FÉVRIER 2000
Un ménage d’amour entre le Nautilus et le yoga
Que font Madonna, Leonardo et Sharon dans leurs temps libres? us pilatent. Et us ne sont pas les seuls: c’est par mil-liers que l’on compte les adeptes de la methode Pilates. Et c’est quoi, la metho-de Pilates? Un manage d’amour entre le Nautilus et le yoga. Ca vous dirait, vous aussi, de pilater un brin?
Vous aurez beau chercher dans tous les dictionnaires, le verbe .pilater* n’existe pas, et inutile d’appeler la redaction du Devoir pour signaler une erreur. Si M. Pilates, l’inventeur de la methode, avait ete francais plutot que teuton, c’est luimeme qui l’aurait cree, ce neologisme.
Pilater: action d’entrainer le corps et de le controler par le mental.
Au centre Pilates, exit le rock ou le metal hurlant, les fauteuils de torture remontant a l’epoque de l’Inquisition aujourd’hui recycles en stepmaster ou en arm curl, les apollons suintant et grimacant, les nymphettes lisant Cosmo sur des velos stationnaires. Ici, a l’inverse, on a mise sur une atmosphere paisible propice a la concentration et a la relaxation.
ll ne faut surtout pas croire que parce qu’elle est sans douleur, elle est de tout repos, la methode Pilates. A la base, on y retrouve des exercices d’etirement et de renforcement des muscles, combines a des techniques de respiration. Une espece de fusion entre la philosophie occidentale, qui fait appel au dynamisme et a la resistance, et la philosophie orientale, qui, elle, exige une concentration mentale qu’on atteint grace au controle de sa respiration.
Simpliste? C’est ce que je me suis dit en entrant au centre Pilates pour la premiere fois. Ils n’avaient pas l’air bien dangereux, ces appareils d’exercices qu’on aurait dits tout droit sortis d’un entrepôt Ikea: de longues tables de bois avec, au centre, des coussins coulissants recouverts de vinyle aux couleurs vives. On y entrevoyait quelques ressorts, mais bien cachés dessous. Plus loin, des cerceaux, des ballons et des tapis… Presque un parc d’amusement.
Une longue fille gracieuse s’approche, se présente. C’est Ann McMillan, la directrice du centre. Grâce à elle, je fais mes premiers pas ou, plutôt, mes premiers mouvements dans l’univers Pilates. «Il faut expirer à fond, je veux voir la cage thora-cique se refermer, les abdominaux se contracter C’est beau, on pousse, on ramène les genoux en inspirant, on arrête, on expire, on reprend le mouvement… » On a continué, allongeant, étirant, déployant muscles, vertèbres et clavicules.
Bon, je veux bien admettre que ça n’a l’air de rien, mais au bout d’un certain temps, à force de se concentrer sur la respiration, on ne sait plus si on doit pousser en expirant et ramener en inspirant, ou l’inverse. Pire, en se concentrant sur les mouvements, on en oublie de respirer! Mon entraîneuse m’assure qu’à la longue, ça devient naturel. Par chance, parce que des mouvements comme celui-là, il en existe plus de 500 et les,combinaisons sont illimitées. A force d’avancer dans le programme d’entraînement, on insère de nouveaux mouvements dans la routine. Le but: prendre conscience de chacun des muscles sollicités pour les ren-forcer tout en les allongeant.
Efficace, la méthode Pilates? Probablement, si on considère le fait que son inventeur l’a pratiquée toute sa vie et a vécu jusqu’à l’âge respectable de 87 ans. Pourtant, en 1880, quelque part en Allemagne, maman Pilates a dû se faire bien du souci quand est né son petit Joseph. Toute son enfance, Joseph demeurera maigre et asthmatique. À 14 ans, pour reprendre des forces, il se lance dans la muscu-lation; ça lui sied si bien qu’après quelques années d’entraînement, il devient modèle dans les facultés de médecine.
En 1912, il en a fait du chemin, le petit Joseph. On le retrouve en Angleterre sur des rings de boxe puis comme instructeur d’autodéfense pour les bobbys de Londres et… acrobate dans un cirque! C’est la Première Guerre mondiale; Allemand expatrié, Pilates, comme ses compatriotes, n’échappe pas à la prison. Quand on lui offre un emploi dans un hôpital, notre fana de musculation imagine des exercices afin de pré venir les pertes musculaires chez ses patients immobilisés. Dans cè dessein, le patenteux Pilates fixe de vieux ressorts aux lits des blessés. Avec le principe de la résistance, le premier appareil d’exercice Pilates venait de naître.
Au début des années 20, Pilates émigre aux États-Unis. Six ans plus tard, c’est à New York qu’il ouvre son studio. Peu à peu, des voisins curieux se pressent à sa porte. Normal: ce sont des danseurs, et pas n’importe lesquels, ceux de la compagnie de George Balanchine. A l’époque, les danseurs égoïstes gardent le secret pour eux et ce n’est que dans les années 60 que la méthode Pilates gagne l’intérêt d’acteurs hollywoodiens.
Si Ann McMillan fait la connaissance de la mé thode Pilates, ce n’est pas une coincidence. Après avoir terminé son baccalauréat en danse, Mn s’envole pour taire carrière à New York Tout s’arrête brusquement lorsqu’elle se blesse. On est en 1987. Pour sa réhabilitation, Mn s’attaque à la méthode Pilates. Elle n’a jamais arrêté depuis. Mn ne se contente pas d’ouvrir son centre à Montréal en 1992. Elle va décrocher une maîtrise en sciences des activités physiques. Son mémoire fait la preuve qu’on peut améliorer la posture des danseurs avec la méthode Pilates.
Alors, si on peut améliorer la posture des dan-seurs, pourquoi ne pas gratifier celle du commun des mortels? «Vous vous sentirez mieux en 10 séances, en 20, vous le constaterez, et en 30 séances, vous obtiendrez un corps transformé.» C’est ce qu’affirmait Joseph Pilates. Mn McMillan en est convaincue elle aussi, mais attention: «La méthode ne fait pas de miracles et ne fait pas maigrir Pour ça, il faut du cardiovasculaire.» Pour le cardio, il faudra repasser et repasser encore, et au pas de course s’il vous plaît! Mais comme la technique n’implique pas le cardio, ça en fait aussi la raison pour laquelle elle peut être pratiquée par tous les individus, peu importent leur âge et leur condition physique.
En ce qui me concerne, mes balbutiements pilatiens n’auront duré que 30 minutes. Moins éreintante que le gym, la méthode Pilates n’en demande pas moins de discipline. Dans un monde idéal, trois séances par semaine, à raison d’une heure chacune, sont souhaitables. Mais on ne se lance pas dans l’aventure sans supervision car ces petits appareils qui semblent si inoffensifs peuvent parfois mordre si on ne les utilise pas correctement. On débute avec dix séances privées afin d’évaluer et de personnaliser le programme d’exercices. Par la suite, quand les articulations sont bien huilées, on accède aux leçons semi-privées avec un professeur pour deux ou trois élèves. Chacun peut faire le calcul: 44 $ pour la leçon privée d’une heure, 20 $ pour la semi-privée, et quand on s’améliore et qu’on nous juge en mesure d’évoluer sans supervision, il en coûte 10 $ de l’heure
Si la santé vaut son pesant d’or, il faut admettre qu’entreprendre un entraînement Pilates coûte la peau des fesses, aussi fermes puissent-elles devenir! Mais, pilatez, et pilatez de nouveau, il en restera toujours quelque chose.
Le centre Pilates de Montréal est situé au 5065, chemin Queen-Mary, et est ouvert de 7h30 à 21h en semaine et de 8h à 16h le samedi. Renseignements: (514) 738-9097.