CHÂTELAINE 1997

Méthode Pilates, la gym douce.

Cette technique de remise en forme a longtemps été le secret bien gardé des danseurs professionnels. Depuis peu, la méthode Pilates (prononcer « pilatèsse ») est accessible au grand public. Nous l’avons essayée, voici notre verdict.

« Expirez à fond. Pliez les genoux. Inspirez en tenant la pose. Expirez en tendant les jambes, inspirez en poussant les talons. Expirez en revenant à la position de départ. Relevez le menton et baissez les épaules comme si un fil
tirait votre tête vers le plafond. C’est bon. Recommencez, mais cette fois-ci en redressant le dos et en laissant vos mains pendre, paumes tournées vers l’extérieur. Lorsque vous expirez, n’oubliez pas de rentrer vos côtes. Voilà. »

Je suis assise sur un drôle de lit bas équipé d’un siège coulissant rattaché à des ressorts (le Universal Reformer pour les initiés) et, vraiment, je me démène comme un beau diable. Mais ce n’est pas fini on poursuit avec de grands élastiques munis d’étriers, dans lesquels je vais tour à tour glisser mes mains puis mes pieds pour exécuter d’autres séries d’enchaînements, dont une spec¬taculaire chandelle » qui fait se frôler mes oreilles et mes rotules.

Tout ça semble très impressionnant, mais rien ne tire, rien ne fait irai. Dire que lorsqu’on est pro », on arrive à exécuter les mouvements non pas couchée, mais en position assise ou, mieux, debout !

« Le principe de base de la méthode Pilates, c’est de déstabiliser le corps avec un appareil pour qu’il travaille à se stabiliser de lui-même », explique Ann McMillan, mon entraîneuse et la fondatrice du Centre Pilates de Montréal. « C’est ainsi que nous développons, renforçons et stabilisons les muscles si importants de l’abdomen et du dos. » Simple ? Attendez un peu : en exécutant les sé¬quences de mouvements que je viens de décrire, sachez que je dois calquer leur rythme sur la ca-dence des inspirations et des expirations. En fait. je crois bien que mon cerveau travaille plus que mes cuisses. Un peu plus et je commence à m’en¬nuyer de ma bicylette stationnaire…

« Il est absolument impossible de penser à sa liste d’épicerie en travaillant ses jambes sur cet appareil, explique Ann en riant. En fait, c’est cette concentration, essentielle, qui nous permet de faire le vide et de relaxer. » Elle frappe d’ailleurs dans le mille lorsqu’elle déclare que la méthode Pilates est un hybride à mi-chemin entre le yoga et la musculation. Yoga, parce que les mouve¬ments sont très doux, parce que la respiration en profondeur est primordiale, parce que l’équilibre et la bonne posture sont des préoccupations constantes. Musculation. parce qu’on travaille sur des appareils qui sollicitent des groupes muscu¬laires précis. Mais contrairement au bodybuil¬ding, qui développe des muscles courts et gonflés, la méthode Pilates va plutôt étirer la musculature de façon harmonieuse », précise Ann McMillan. En témoi¬gnent les 5 pieds 10 pouces tout en minceur, en longueur et en grâce de cette ex-danseuse de ballet moderne,
La méthode Pilates s’adresse tout particulièrement à celles qui veulent se sentir mieux — et non pas seulement paraître au meilleur de leur forme. « Ce conditionnement physique intelligent élimine les tensions, relaxe et étire les muscles trop courts ou trop raides et augmente la force musculaire, particulièrement au niveau du tronc, poursuit Ann McMillan. Les muscles des bras et des jambes se développent en longueur, comme chez les danseurs, parce qu’on travaille des mouvements de grande amplitude; les fessiers et les abdominaux se raffermissent, la posture s’améliore de façon remarquable. Mais attention la mé¬thode Pilates ne fait pas de miracles et ne vous fera pas maigrir, puisqu’elle ne sollicite pas le système cardiovascu¬laire. Sachez cependant qu’une bonne posture peut vous faire paraître considérablement plus mince. »

Un phénomène de mode

Monsieur Pilates, Joseph de son prénom, a mis au point sa méthode pendant la Première Guerre mondiale, alors qu’il travaillait dans un hôpital. Utilisant les ressorts des lits vétustes, cet autodidacte a mis au point des systèmes de traction ingénieux, pour permettre aux invalides de faire des exercices tout en ménageant leurs muscles blessés. D’an¬née en année, sa technique s’est raffinée et, dans les années vingt, fraîchement installé à New York, il commence à soigner les danseurs issus des écoles des illustres George Balanchine et Martha Graham.

Lez méthode Pilates, n’a rien de nouveau, mais cela ne I’empêche pas d’être à la mode. Ah ? Tu écris un article sur la méthode Pilates ? Comment ça se passe au juste ? J’ai très envie d’essayer… » Il semble que tout le monde en parle, ces jours-ci. En fait, depuis un ou deux ans, les cen¬tres d’enseignement se multiplient Et comme toujours dans ce cas, il y a des entraîneurs pressés de passer Go pour récolter des dollars, mais qui manquent malheureusement d’expérience et de compétence. C’est terrible parce qu’on peut réellement se blesser si l’entraînement n’est pas adéquat », déclare Ann McMillan, qui travaille avec deux physiothérapeutes. Ces appareils peuvent faire plus de tort que de bien Je suis bachelière en éducation physique, et pour me distinguer encore plus du peloton d’amateurs, j’ai décidé de faire une maîtrise. »

Pendant que je m’escrime sur le Universal Reformer, Ann scrute mes moindres gestes, corrigeant un mouvement, rectifiant ma posture : elle surveille tout particulièrement ma cheville gauche (qui ne guérit pas d’une vieille entorse), rua rotule gauche (qui a tendance à se déplacer), nies lom¬baires (j’ai une vertèbre de travers) et mon cou (la vertèbre rebelle a décentré mon centre de gravite, ce qui me donne l’impression de me tenir droite lorsque je suis en fait de guingois). Ces bobos, elle a tout de suite mis le doigt dessus lorsqu’elle m’a soigneusement examinée de la tête aux pieds avant d’entreprendre la première séance, ques-tion de personnaliser le programme.

« Je ne laisserais jamais une cliente s’entraîner seule sur une machine avant des mois, voire des années », déclare Ann, Conséquence : les 10 premières séances (un mini¬mum) sont privées. Et qui dit privé dit malheureusement cher 32 $ l’heure, Après quoi, on peut suivre des cours semi-privés et le prix baisse alors à 20 $ l’heure. L’idéal ? Deux ou trois séances par semaine. Si on n’a ni l’envie de débourser autant, ni Fe temps, on peut s’offrir une séance par semaine sur les appareils, et compléter avec des exer¬cices Nettes au sol, très efficaces, effectués en groupe dans un studio (10 $ l’heure). Avec la vidéocassette d’Elizabeth Larkam*, gourou de la technique Pilates,
peut également faire ces exercices au sol chez soi.

Est-ce que ça vaut le coup d’investir dans ce genre d’exercices ? Après mes petites séances, je me suis sentie plus détendue (conséquence agréable des éti¬rements), et si j’ai fait travailler tous les muscles de mon corps, je n’étais pas essoufflée, je n’ai pas versé une seule goutte de sueur et je n’ai pas souffert, ne serait-ce qu’une seconde. Bon, dans quelques mois, je ne serai de toute évidence pas taillée au couteau, mais si mon Jell-0 se raffermit un peu, si j’arrive à m’approcher du maintien gracieux d’une danseuse de ballet et si j’ai moins mal à mes vieux bobos, eh bien, je crois que j’aurai décroché le gros lot.

*Pour obtenir des renseignements ou commander la vidéocassette d’Elizabeth Larkam, vous pouvez communiquer avec la ligne d’information du Centre Pilates de Montréal en composant le (514) 738-9097.